lundi 20 février 2012

Petit guide de survie pour étudiante québécoise en échange en Belgique


Étudiante québécoise, rien ne doit te surprendre. Tu voulais étudier en Belgique; eh bien, t’y voici.

On t’avait pourtant prévenue, au Québec : « si tu veux être encadrée, va étudier aux États-Unis, PAS EN EUROPE : aux États-Unis, l’université d’accueil emmène tous les étudiants étrangers en autobus acheter des oreillers au Wal-Mart le jour de leur arrivée; en Europe, il faut être… plus indépendant. »

N’essaie pas de constituer ton horaire avant la rentrée scolaire : les premiers jours d’école, assiste à tous les cours possibles et choisis à partir de là. Personne, à part les professeurs, ne peut t’informer sur les cours (les prérequis, la matière, l’horaire qui change chaque heure, le numéro du local, etc.); si tu veux t’amuser, demande de l’aide à une conseillère pédagogique ou à une secrétaire, qui frappera sur son ordinateur en maudissant le portail de l’université. Les coordonnatrices académiques écriront à tous les étudiants étrangers : « Dites-vous bien que n’avons pas accès à plus d’information que vous! »

Les locaux indiqués sur les horaires (quand ils le sont) ne sont pas les bons; ne sois pas surprise de te retrouver dans un cours sur l’ « Histoire de l’éducation », alors que tu croyais assister à un cours de philosophie. Assieds-toi près de la porte pour pouvoir quitter subtilement le cours et éviter le discours sur comment devenir un bon professeur au secondaire.

Tu ne recevras aucun plan de cours. Tes professeurs ne commanderont pas les livres à la librairie universitaire; tu devras les chercher dans les bouquineries. Tes professeurs ne se présenteront jamais. Tu ne sauras leur nom que très tard, quand tu auras à les contacter et que tu trouveras l’information dans le bottin universitaire. Tu les appelleras ''Monsieur, Madame'' et tu les vouvoieras. Tu ne seras pas non plus avertie de l’ordre des lectures. Les échéanciers sont un luxe canadien, tu l’ignorais : tu t’ennuieras parfois de la rigueur de tes professeurs québécois.

Tes cours dureront pour la plupart 2 heures, 1h30 si tu calcules que le professeur arrive avec 15 minutes de retard et termine 15 minutes plus tôt. On appelle ça « le quart d’heure académique ».

Ne te fais pas d’illusion, les professeurs ne liront pas tes messages. S’ils te répondent (quand ils le font), cela paraitra évident : alors que tu auras d’emblée annoncé « Bonjour, je suis une étudiante canadienne in-coming », ils te répondront « Bonjour MONSIEUR ». Si tu poses une série de questions, tu n’auras de réponse qu’à la dernière. Tu apprendras à aller droit au but.

Tu auras des rencontres avec 80 autres étudiants dans un local de 15 places; des séminaires à 10 personnes dans un auditorium; des cours dans des classes datant de 1831, avec des bancs de bois; d’autres dans des « unités préfabriquées »; des groupes de 400, d’autres de 4.

Tu n’auras aucune lecture théorique. Je répète : aucune lecture théorique.

Ta coordonnatrice académique partira en voyage du 19 février au 26 février alors que toi et 150 autres étudiants « in-coming » devez fixer avec elle votre contrat d’études pour le 27 février. Tu seras avertie la veille de son départ. La responsable administrative des étudiants étrangers sera disponible le mardi et le jeudi de 14 h à 16 h (c’est tout) et elle arrivera à son bureau à 14 h 40, en vérité. Elle sera en vacances la semaine de votre arrivée.

Tu tomberas sur un exemplaire de Ballades et romances de 1882, dédicacé de Mickiewicz fils, en location libre à la bibliothèque de l’université.

Il n’y a pas de doute : étudiante canadienne (ici, c'est comme ça qu'on t'appellera), tu es bien en Belgique.

On dit que c’est pire en France; que des étudiants font des courses à quatre pattes dans des auditoriums pendant le cours, que les élèves de première année de médecine se bloquent l’accès aux salles de classe; qu’en Italie, ton horaire est à peine fixé à la veille des examens. Tu ne sais pas départager la légende urbaine de la réalité, tellement rien ne te surprend plus.

En Belgique, l’âge légal pour boire est 16 ans. « Quoi, au Canada, les bars ferment à 3heures du matin et les cours commencent à l’heure? » Tu étonneras tous les étudiants belges avec ta culture « conservatrice ». Tu croiseras des gens saouls dans les premiers trams, vers six heures du matin, alors que tu vaqueras à des activités innocentes, comme te rendre au marché.

Tu auras congé pour Mardi gras et deux semaines de vacances à Pâques.

Tu auras des amis mexicains, sud-coréens, singapouriens, grecs, tchèques, suisses, français, espagnols, péruviens, lithuaniens, pakistanais, dans la même situation que toi. Tu parleras surtout anglais.

Tu achèteras des trajets Bruxelles-Zurich moins chers que Sherbrooke-Montréal.

Le 20 février, ce sera déjà le printemps.

1 commentaire:

  1. J'adore vos péripéties. On se rend compte que ce n'est franchement pas mieux ailleurs ! L'herbe n'est pas nécessairement plus verte chez nos voisins des "Vieux Pays"
    Merci de partager avec nous vos aventures rocambolesqes. Nous ici, le monde tourne toujours, Hé oui !!!

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